Fed, les droits de douane aux trousses
Toutes nos publications

Fed, les droits de douane aux trousses

Écrit par Florent WABONT
Publié le 23/06/2025

La Fed a laissé sa politique monétaire inchangée le 18 juin dernier. Un statu quo prévisible et un discours attendu, qui s’est finalement avéré peu éclairant. L’incertitude est certes retombée grâce aux revirements multiples de D. Trump sur les droits de douane, mais la visibilité ne s’est pas franchement améliorée. Tout est donc encore possible pour l’économie américaine et la Fed. L’analyse par scénario demeure la méthode à privilégier pour tenter d’anticiper la suite des événements.

Le 18 juin dernier, la Fed a donc laissé ses taux directeurs sur une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50%. Le communiqué ainsi que la conférence de presse ont été pauvres en nouvelles informations. L’actualisation des projections économiques trimestrielles indique que la Fed s’attend à plus d’inflation, moins de croissance et une augmentation du taux de chômage. Dans un contexte marqué par une hausse des droits de douane imposés par les États-Unis au reste du monde, l’inflation est ainsi attendue aux alentours de 3% d’ici la fin de l’année, contre une inflation totale évoluant à 2,1% sur un an à fin avril et à 2,5% hors énergie et alimentation. Il convient par ailleurs de noter que l’incertitude attachée à ses prévisions est toujours indiquée comme étant bien plus élevée que les normes habituelles. Les dots – prévisions anonymes du niveau des taux directeurs par chacun des membres de la Fed – suggèrent toujours deux baisses supplémentaires en 2025. Les membres en faveur d’un statu quo sur l’ensemble de l’année sont toutefois encore plus nombreux qu’ils ne l’étaient en mars dernier.

L’incertitude est certes retombée grâce aux revirements multiples de D. Trump sur les droits de douane, mais la visibilité ne s’est pas franchement améliorée.

A cet égard, notre analyse par scénario publiée le 20 mars dernier (« Lorsque l’incertitude devient une certitude », disponible ici) semble encore pertinente et il nous paraît opportun d’en proposer une actualisation.

1.      La Fed monte ses taux.
Disons-le d’emblée, ce scénario n’est toujours pas le plus probable. Certes, les droits de douane ont augmenté de manière significative, mais la transmission de ceux-ci à l’inflation tarde à se faire sentir. Resserrer la politique monétaire dans une telle situation n’aurait de sens qu’en cas (i) d’augmentation brus

Sources : Ecofi, BLS, JOLTS, NFIB, Bloomberg. Les séries sont centrées réduites à partir de leurs moyennes et écarts-types sur la période 2012-2019. Grille de lecture : le niveau de la variable considérée est égal à sa moyenne de 2012-2019 lorsque zéro est atteint ; supérieur au dessus de zéro et inférieur en dessous. La tension sur le marché du travail est calculée comme le nombre d'emplois vacants par chômeur. L'échelle est volontairement tronquée. Dernières données disponibles au 20/06/2025.

Sources

Sources : Ecofi, BLS, JOLTS, NFIB, Bloomberg. Les séries sont centrées réduites à partir de leurs moyennes et écarts-types sur la période 2012-2019. Grille de lecture : le niveau de la variable considérée est égal à sa moyenne de 2012-2019 lorsque zéro est atteint ; supérieur au dessus de zéro et inférieur en dessous. La tension sur le marché du travail est calculée comme le nombre d'emplois vacants par chômeur. L'échelle est volontairement tronquée. Dernières données disponibles au 20/06/2025.

que de l’inflation, dans des proportions non envisagées et (ii) de dérapage des anticipations d’inflation, rendant possibles les effets de second tour (i.e. par le biais d’une hausse des salaires). Pour le moment, la première condition n’est pas respectée. S’agissant de la deuxième, les anticipations d’inflation ont effectivement augmenté, mais les données sont quelque peu polluées. Si les ménages interrogés au sein de l’enquête de l’Université du Michigan entrevoient une inflation s’approchant des 7% à horizon un an, d’autres enquêtes obtiennent des chiffres plus modérés. La dispersion des réponses est par ailleurs influencée par les affiliations partisanes des répondants (démocrates vs républicains). Les ménages américains nous renvoient un message qui relève davantage d’une défiance vis-à-vis de la politique de D. Trump et d’une crainte de perte en pouvoir d’achat, plutôt que d’une véritable capacité à pouvoir prédire l’inflation. Enfin, les anticipations des marchés financiers sont restées quant à elles relativement contenues.

2.      La Fed laisse ses taux inchangés tout au long de l’année.                                             
Ce scénario tel que nous l’avions décrit en mars dernier demeure une hypothèse valable. Il présuppose que l’augmentation de l’inflation en lien avec les droits de douane soit limitée et transitoire. Tout comme celle des anticipations d’inflation mentionnées plus haut. Mais ce scénario est sous-tendu par une idée plus subtile encore. Il est en effet tout à fait possible d’envisager que D. Trump n’aille pas au bout de sa stratégie et que les négociations en cours aboutissent à un abaissement significatif du taux moyen effectif des droits de douane actuellement en application. L’incertitude diminuerait et la croissance repartirait. Les pressions inflationnistes pourraient ainsi perdurer aux alentours des niveaux actuels, ce qui tempèrerait les ambitions de la Fed en matière de baisses de taux.  

3.      La Fed baisse ses taux.
Nos convictions n’ont pas changé. Nous pensons toujours que la Fed procédera à des baisses de taux cette année et ce, pour trois raisons. Premièrement et cela rejoint les arguments avancés au sein des deux premiers points, il nous paraît difficile d’envisager un dérapage des anticipations d’inflation. D’une part en raison de la pollution statistique et d’autre part car le choc d’offre négatif* que s’apprête à subir les États-Unis (voir ici notre raisonnement sur la transmission des droits de douane à l’inflation) ne s’accompagnera pas d’un choc de demande positif**. Deuxièmement, car nous anticipons que l’augmentation de l’inflation du fait des droits de douane, bien que graduelle, ne sera que temporaire. Troisièmement, du fait de l’incidence négative de la politique erratique de D. Trump sur l’activité américaine. La consommation ralentit déjà et ce mouvement devrait se poursuivre. Le climat d’incertitude pèse également sur les entreprises. Les grandes comme les petites, réduisent leurs intentions d’investissement et freinent les embauches. A cet égard, le marché du travail est beaucoup plus fragile aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant. La tension sur le marché du travail a fortement diminué, le taux de départs volontaires a chuté, les inscriptions hebdomadaires au chômage augmentent tendanciellement et le marché de l’emploi manque de fluidité. C’est pourquoi notre scénario central demeure celui d’une Fed privilégiant l’emploi au détriment de l’inflation, en effectuant quelques baisses de taux dites « tactiques », dans l’optique de démêler la situation.

Pour conclure, il est cependant impossible de ne pas mentionner les récents événements géopolitiques au Moyen-Orient. Les Etats-Unis ont, en effet, décidé de frapper les trois principaux sites nucléaires iraniens, Ispahan, Natanz et Fordo. La suite demeure incertaine et au moment d’écrire ces lignes, les possibilités sont nombreuses : une réplique Iranienne d’une nature et d’une ampleur encore difficilement envisageables, un blocage de détroit d’Ormuz, un renversement du régime. Bien que brusque l’augmentation des cours du pétrole reste pour le moment contenue et ne devrait pas affecter profondément la trajectoire de l’inflation, ni celle de l’activité. Pour les banques centrales, la multiplication des chocs d’offre est une équation à laquelle il est difficile d’apporter une réponse. Stabiliser l’activité, au risque de laisser filer temporairement l’inflation ? ou lutter contre l’inflation générée au risque d’engendrer une fluctuation importante de l’activité ?

 *: Un choc d’offre négatif caractérise une situation où les conditions de production sont affectées de manière inattendue. Un choc d’offre négatif peut par exemple découler d’une envolée soudaine des prix du pétrole, dans le prolongement d’événements géopolitiques, d’une perturbation des chaînes logistiques engendrant une hausse du coût du transport maritime ou encore d’une augmentation des droits de douane donnant lieu à un renchérissement des prix des produits importés.

*: Un choc de demande positif caractérise une situation où l’activité augmente brusquement à court terme. Un choc de demande positif peut par exemple découler d’un accroissement de l’activité liée aux dépenses gouvernementales (cf. versement de chèques aux ménages durant la pandémie) ou encore d’une stimulation de la croissance mondiale découlant d’une reprise conjoncturelle en Chine.

Sources

Source : Ecofi, au 20 juin 2025.
Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Document non contractuel. Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 20 juin 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Ce document est produit à titre purement indicatif. Il constitue une présentation conçue et réalisée par Ecofi à partir de sources qu’elle estime fiables. Ecofi se réserve la possibilité de modifier les informations présentées dans ce document à tout moment et sans préavis. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation d’investissement personnalisée.

Florent WABONT

Économiste

Votre profil

Renseignez votre profil afin que nous vous proposions les fonds adaptés à vos besoins.

Vous êtes investisseur :

En cliquant sur “Accepter et poursuivre” vous reconnaissez avoir lu et compris cette page, vous acceptez de vous conformer à son contenu et vous confirmez que vous accédez à ce site Internet conformément aux lois et réglementations de la juridiction ou du pays dans lequel vous résidez. »

Vous devez sélectionner un profil et prendre connaissance de l’ensemble des conditions afin de pouvoir poursuivre.