Inflation américaine : dure comme la pierre…
Toutes nos publications

Inflation américaine : dure comme la pierre…

Écrit par Florent WABONT
Publié le 17/02/2025

L’inflation américaine, pour le premier mois de l’année 2025, a été publiée la semaine dernière. Comme à l’accoutumée, le diable se cache dans les détails. Entre aspects méthodologiques, viscosité, incertitude autour de la politique commerciale américaine… quelles leçons tirer de ce rapport et surtout, quelles perspectives dresser pour les prochains mois ?

En janvier, l'inflation totale américaine est ressortie à 3% sur un an, légèrement au-dessus des 2,9% attendus par le consensus, et en augmentation par rapport aux 2,9% de décembre. Cette dynamique haussière, qui s’observe depuis septembre 2024, s’explique principalement par des effets de base énergétiques et alimentaires moins favorables. Citons notamment, pour l’anecdote mais pas seulement, la progression de 14% du prix des œufs sur le seul mois de janvier ! L'inflation « cœur » (hors énergie et alimentation) a également dépassé les attentes, atteignant 3,3% contre 3,1% anticipé, après 3,2% en décembre. Si les taux d’intérêt se sont tendus en réaction à la nouvelle, les marchés d’actions n’ont, quant à eux, pas réagi si négativement. Les anticipations en matière de politique monétaire reflétaient déjà l’idée que la Fed ne baisserait pas ses taux tant que cela en 2025. Nous nous y attarderons dans un second temps, mais avant cela, affinons tout d’abord l’analyse concernant l’inflation dans la catégorie des services.

Les prix des services (hôtellerie, restauration, frais de santé et d’assurance…) ne s’ajustent pas immédiatement aux fluctuations de l’offre et de la demande. En théorie économique, ce phénomène est appelé « rigidité nominale des prix ». Une illustration couramment utilisée dans la littérature est celle des « coûts de catalogue ». Lorsqu’une entreprise décide de modifier ses prix, elle le signale notamment par le biais d’un nouvel étiquetage ou par l’impression d’un nouveau catalogue, ce qui engendre alors un coût. Si les catalogues se font rares désormais, l’idée que les entreprises font face à un coût d’adaptation aboutit à une réflexion avant tout changement de prix. Les contrats passés à long terme avec certains clients/fournisseurs limitent également les variations de prix erratiques, de même que l’environnement concurrentiel, la réputation d’une entreprise ou la prise en compte de facteurs psychologiques…

Depuis plusieurs mois maintenant, l’inflation de certaines sous-catégories au sein des services a fortement augmenté, tandis qu’elle a baissé pour d’autres. En plus d’être rigides, les prix de ces sous-catégories ne s’ajustent ni au même moment ni à la même fréquence. C’est notamment le cas des frais d’assurance automobile (au sein de la catégorie des services de transports), en hausse de 2% sur le mois et responsables à eux seuls de près de 30% de l’inflation des services hors immobilier. Début 2024, ils avaient déjà nettement contribué aux résurgences des pressions inflationnistes. L’explication est simple. Les contrats des polices d’assurance se renouvellent en début d’année et intègrent notamment, avec un décalage, la hausse des prix automobiles. Depuis 2024, l’augmentation du coût de ces polices rattrape donc seulement maintenant celle des prix des voitures neuves et d’occasion depuis la pandémie. À mesure de l’intégration progressive de ces éléments, l’influence de cette composante dans l’inflation devrait donc s’atténuer. Les frais de réparation automobile et même les frais médicaux subissent un phénomène plus ou moins similaire. L’inertie de l’inflation des services s’explique également par des aspects méthodologiques. Par construction, la catégorie liée à l’immobilier – dont le poids au sein de l’indice des prix s’élève à ~40% – incorpore avec un retard de plusieurs mois la décélération des loyers observée récemment.

L’autre grande interrogation, qu’il conviendra de garder dans un coin de la tête, est celle de l’attitude de la Fed face à une augmentation de l’inflation résultant d’une éventuelle hausse significative des droits de douane. Restera-t-elle impassible ?
Florent Wabont

L’inflation dans les services compte pour ~76% de l’inflation cœur. L’analyse de ses principaux contributeurs et de leurs déterminants milite en faveur d’une poursuite de la désinflation, bien que celle-ci devrait s’avérer poussive. Il convient par ailleurs de noter que les sous-catégories les plus sensibles aux tensions sur le marché du travail et à la progression salariale n’ont pas nécessairement réaccéléré en janvier. Le reliquat, constitué de l’inflation dans les biens, suscite toutefois certaines craintes. D’une part, car elle contribue désormais davantage à l’inflation cœur, après des mois de contribution négative grâce à la détente des chaînes logistiques. D’autre part, parce que cette catégorie est la plus vulnérable aux droits de douane brandis par D. Trump. Moyennant l’incertitude attachée à la politique commerciale américaine, l’inflation cœur américaine devrait graviter autour de 3% d’ici la fin de l’année.

Pour la Fed, l’équation à résoudre est complexe. Une inflation volatile, baissant lentement, perturbe les anticipations d’inflation des ménages, qui peuvent alimenter les pressions salariales et une diminution de la crédibilité de la Fed. En outre, dans son mandat visant à cibler une inflation de 2% en moyenne sur longue période, la Fed n’a pas retenu l’indice des prix à la consommation (indice CPI) dont nous venons de détailler l’évolution, mais le déflateur du PIB (indice PCE). Bien que le comportement du second soit influencé par celui du premier, les deux indices diffèrent dans leur construction. Les catégories qui contribuent le plus à l’inflation CPI ne sont par exemple pas calculées de la même manière au sein de l’indice PCE, qui pour sa partie cœur devrait baisser en janvier (réponse le 28/2). Un casse-tête méthodologique pour l’institution. Ajoutons à cela les signaux contradictoires envoyés par le marché de l’emploi, la difficulté à évaluer le niveau du taux neutre, la vigueur de l’activité et l’incertitude liée à la politique commerciale. L’ensemble de ces éléments plaide donc pour envisager un statu quo sur les taux directeurs lors de la réunion du 19/03/2025, sans pour autant que cela ne justifie un durcissement du ton. L’autre grande interrogation, qu’il conviendra de garder dans un coin de la tête, est celle de l’attitude de la Fed face à une augmentation de l’inflation résultant d’une éventuelle hausse significative des droits de douane. Restera-t-elle impassible ?                                              

Sources

Ecofi, au 17 février 2025. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures.
Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 17 février 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Ce document est produit à titre purement indicatif. Il constitue une présentation conçue et réalisée par Ecofi à partir de sources qu’elle estime fiables. Ecofi se réserve la possibilité de modifier les informations présentées dans ce document à tout moment et sans préavis. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation
d’investissement personnalisée.

Florent WABONT

Économiste

Publications récentes

Partager la publication

Lien copié

Votre profil

Renseignez votre profil afin que nous vous proposions les fonds adaptés à vos besoins.

Vous êtes investisseur :

En cliquant sur “Accepter et poursuivre” vous reconnaissez avoir lu et compris cette page, vous acceptez de vous conformer à son contenu et vous confirmez que vous accédez à ce site Internet conformément aux lois et réglementations de la juridiction ou du pays dans lequel vous résidez. »

Vous devez sélectionner un profil et prendre connaissance de l’ensemble des conditions afin de pouvoir poursuivre.