BCE : les faucons volent-ils finalement avec les colombes ?
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BCE : les faucons volent-ils finalement avec les colombes ?

Écrit par Florent WABONT
Publié le 16/12/2024

Et de 4 ! Le 12 décembre dernier, la BCE a décidé d’abaisser ses taux directeurs de 0,25% pour la quatrième fois de l’année, dont trois baisses consécutives. Le 16 septembre dernier, nous titrions « BCE : les faucons ne volent pas avec les colombes », en sous-entendant qu’une réticence à poursuivre la baisse des taux était encore palpable au sein du conseil des gouverneurs, alors même que nous anticipions davantage d’assouplissement monétaire. Les choses ont-elles changé ? Les faucons volent-ils finalement avec les colombes ?

La BCE a donc abaissé ses taux de 0,25% le 12 décembre dernier, portant ainsi le taux de facilité de dépôt à 3%. L’institution s’attend désormais à moins de croissance et d’inflation. L’inflation totale est prévue à 2,4% en 2024 (-0,1% par rapport aux précédentes prévisions), 2,1% en 2025 (-0,1%), 1,9% en 2026 et à 2,1% en 2027 ; l’inflation cœur (hors énergie et alimentation) à 2,9% en 2024, 2,3% en 2025, 2% en 2026 (-0,1%) et à 1,9% pour 2027. La croissance du PIB est projetée à 0,7% pour 2024 (-0,1%), 1,1% pour 2025 (-0,2%), 1,4% pour 2026 (-0,1%) et 1,3% pour 2027.

Le communiqué précédant la conférence a toutefois apporté une nuance de taille. Exit la notion de politique monétaire restrictive (i.e. dont le but est d’exercer une incidence négative sur l’activité). Les éléments de langage liés au fait de « maintenir une politique monétaire suffisamment restrictive, aussi longtemps qu’il sera nécessaire » ont, en effet, été retiré, illustrant ainsi le changement d’attitude de la BCE. La conférence de presse a quant à elle été plus conventionnelle, si ce n’est lorsque Christine Lagarde a indiqué qu’une baisse de 0,50% avait été débattue.  

La BCE semble désormais doublement emprisonnée. D’une part, en raison de sa « dépendance aux données », l’empêchant de communiquer sur le chemin des baisses à venir. D’autre part, à cause de l’incertitude entourant les décisions potentielles du nouveau président des Etats-Unis et leurs conséquences sur le vieux continent.

Dès lors, qu’attendre pour la suite ?
Tout d’abord et pour faire le lien avec le titre, des sources anonymes relatées peu de temps après la conférence de presse, ont bien confirmé le fait que des membres de la BCE s’étaient montrés favorables à une baisse de plus grande ampleur. La raison principale évoquée est celle des perspectives de croissance jugées encore trop optimistes, au regard notamment du risque que fait peser la politique tarifaire de Donald Trump. Certains faucons se sont donc mêlés aux colombes.

La BCE semble désormais doublement emprisonnée. D’une part, en raison de sa « dépendance aux données », l’empêchant de communiquer sur le chemin des baisses à venir. D’autre part, à cause de l’incertitude entourant les décisions potentielles du nouveau président des Etats-Unis et leurs conséquences sur le vieux continent.

En 2024, la BCE a toutefois surestimé le potentiel de croissance du PIB en zone Euro. Nous pensons qu’elle le sous-estime désormais pour 2025. Comme détaillé dans une précédente publication (Zone Euro : « Il y a toujours une lumière au bout du tunnel »), nous sommes plus optimistes que le consensus concernant la croissance de la zone Euro, en anticipant une reprise de la consommation des ménages et de l’investissement, à la faveur notamment des baisses de taux passées et à venir. Rajoutons à cela, la fin des distorsions liées à la pandémie, qui jusqu’à présent donnaient une vision erronée de l’évolution de certaines variables. En outre, la politique tarifaire de D. Trump s’apparente davantage à une arme de négociation qu’à une menace prête à être exécutée immédiatement. Nous anticipons par ailleurs une poursuite de la désinflation à court terme, conformément à notre scénario de début d’année qualifiant le « dernier km » d’inflation de « facile à parcourir ». Les effets de base énergétiques devraient certes être moins forts, mais la pression exercée par l’inflation des services devrait s’atténuer. A moyen terme en revanche, nous anticipons une stabilisation de l’inflation autour de 2%, du fait notamment de la reprise conjoncturelle.

Ecofi, Bank of International Settlements data portal, Borio & Lowe (2002), Mathias Drehmann & James Yetman (2018). La série statistique représente l'évolution du total des crédits accordés aux entreprises non-financières de la zone Euro, en déviation par rapport à sa tendance de long terme. L'unité de mesure retenue est en point de pourcentage du PIB. La tendance de long terme est définie en utilisant un filtre d'Hodrick-Prescott sur longue période. Grille de lecture : plus la variable est négative, plus la création de crédit est en déficit par rapport à sa tendance. Inversement lorsqu'elle est positive. Dernier point de données disponible : 30/06/2024.

Sources

Ecofi, Bank of International Settlements data portal, Borio & Lowe (2002), Mathias Drehmann & James Yetman (2018). La série statistique représente l'évolution du total des crédits accordés aux entreprises non-financières de la zone Euro, en déviation par rapport à sa tendance de long terme. L'unité de mesure retenue est en point de pourcentage du PIB. La tendance de long terme est définie en utilisant un filtre d'Hodrick-Prescott sur longue période. Grille de lecture : plus la variable est négative, plus la création de crédit est en déficit par rapport à sa tendance. Inversement lorsqu'elle est positive. Dernier point de données disponible : 30/06/2024.

L’ensemble de ces éléments nous incitent à ne pas modifier notre scénario central. Nous anticipons encore deux à trois baisses supplémentaires en 2025, mais pas davantage, soit un atterrissage du taux de facilité de dépôt autour de 2,25%. Une distinction majeure vis-à-vis du consensus, qui s’attend à un taux directeur inférieur à 2% d’ici mi-2025. La BCE serait, selon nous, amenée à temporiser aux environs du 2ème -3ème trimestre.

Reste une incertitude majeure : le niveau du taux neutre en zone Euro. Ce dernier symbolise l’équilibre théorique entre l’épargne et l’investissement. Celui qui n’entraîne ni surchauffe ni refroidissement du couple croissance/inflation. Il est, par définition, inobservable. La dispersion des estimations statistiques étant encore plus grande qu’aux Etats-Unis, difficile donc de s’y fier. A charge pour la BCE de tenter de le déterminer battements d’ailes après battements d’ailes…

 

 

 

Sources

Ecofi, au 13 décembre 2024. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Document non contractuel. Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 13 décembre 2024 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Ce document est produit à titre purement indicatif. Il constitue une présentation conçue et réalisée par Ecofi à partir de sources qu’elle estime fiables. Ecofi se réserve la possibilité de modifier les informations présentées dans ce document à tout moment et sans préavis. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation
d’investissement personnalisée.

Florent WABONT

Économiste

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