BCE : Une petite baisse et puis s’en va…?
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BCE : Une petite baisse et puis s’en va…?

Écrit par Florent WABONT
Publié le 10/06/2024

C’est désormais chose faite. La BCE a baissé ses taux de 0,25 % le 6 juin dernier, après avoir maintenu son taux de facilité de dépôt à 4 % pendant neuf mois. S’agissant du calendrier des baisses, la question du « Quand ? » est désormais traitée. Le « Pourquoi ? » reste quant à lui encore assez flou pour certains. Mais, c’est surtout la question du « Jusqu’où ? » qui mérite, plus que jamais, d’être adressée.

Sans surprise, la BCE a abaissé ses taux de 0,25 % lors de sa réunion du 6 juin dernier. Sans surprise également, les prévisions d’inflation ont été révisées à la hausse, afin de refléter (a priori) les données du mois de mai. Enfin, sans surprise encore, elle a indiqué qu’aucun chemin concernant les futures baisses n’est tracé et qu’elle demeure « dépendante aux données ». L’inflation totale est désormais prévue à 2,5 % en 2024 (+0,2 % par rapport aux projections de mars), à 2,2 % en 2025 (+0,2 %) et à 1,9 % en 2026 (inchangée) ; l’inflation cœur (hors énergie et alimentation) à 2,8 % en 2024(+0,2 %), à 2,2 % en 2025 (+0,1 %) et à 2 % en 2026 (inchangée). La croissance du PIB a également été réévaluée, à 0,9 % pour 2024 (+0,3 %), 1,4 % pour 2025 (-0,1 %) et 1,6 % (inchangée) pour 2026.

Christine Lagarde a tout de même insisté sur la bonne orientation de l’inflation té dite sous-jacente, qui lie les fluctuations de l’inflation à moyen terme à celles des variables macroéconomiques. Elle s’attend également à une modération de la progression salariale, malgré les chiffres observés en ce début gré d’année, liés notamment à l’issue des négociations menées par les travailleurs allemands.

Pourquoi avoir baissé les taux ?
Selon nous, et contrairement à ce que certains commentateurs avancent, il n’est pas si paradoxal de baisser ses taux, tout en rehaussant ses prévisions d’inflation. Premièrement, parce qu’attendre d’atteindre les 2 % pile d’inflation augmente la probabilité de rater ensuite la cible à moyen-terme. L’idée, pour les banques centrales est de tenter d’avoir un « coup d’avance ». Deuxièmement, parce que le niveau actuel des taux est toujours restrictif. Cette baisse – attendue et intégrée dans les anticipations – n’est donc pas susceptible, à elle seule, de stimuler la croissance. Troisièmement, parce que la désinflation n’est pas compromise, car les données restent bien orientées. Le second obstacle évoqué est celui du regain de croissance observé en ce début d’année.

En apparence, les 0,3 % de croissance du PIB au trimestre le trimestre en zone Euro, sont une bonne nouvelle. La composition de cette progression est en revanche moins enthousiasmante, puisque la demande privée (investissement, consommation…) demeure fébrile. Ses déterminants actuels ne semblent donc pas inflationnistes par nature et surtout très dépendants de l’environnement de taux.

Jusqu’où peut-elle les baisser ?
Selon nous, la BCE dispose d’une marge de manœuvre relativement ample pour baisser ses taux. Cette vision se réfère à la notion de taux neutre, qui caractérise le niveau théorique équilibrant l’épargne et l’investissement. C’est aussi le seuil à partir duquel la politique monétaire est dite restrictive, lorsque le taux directeur d’une banque centrale se situe au-delà, et inversement. L’estimation du taux neutre est néanmoins entachée d’une grande incertitude. Une analyse plus simple, consistant à ajuster de l’inflation le taux directeur de la BCE, montre en revanche que le degré de restriction monétaire n’a rarement été aussi élevé qu’aujourd’hui. La BCE semble donc en capacité de desserrer l’étau de nombreuses fois, sans ôter le caractère restrictif de sa politique monétaire.

Ecofi, Holston-Laubach and Williams (2017), Fed de New York, Hördahl & Tristani (2014), Bis Quarterly Review March 2024. 
* : le taux directeur réel est approximé de manière naïve par la différence entre le taux de facilité de dépôt et l'inflation totale en glissement annuel ;
** : calculs identiques avec le taux de refinancement.
Dernières données trimestrielles disponibles.

Sources

Ecofi, Holston-Laubach and Williams (2017), Fed de New York, Hördahl & Tristani (2014), Bis Quarterly Review March 2024. * : le taux directeur réel est approximé de manière naïve par la différence entre le taux de facilité de dépôt et l'inflation totale en glissement annuel ; ** : calculs identiques avec le taux de refinancement. Dernières données trimestrielles disponibles.

Nous pensons [...] que la croissance demeure dépendante de l’environnement de taux et qu’elle sera légèrement plus faible que les prévisions de la BCE cette année.

Nous continuons d’anticiper une poursuite de la désinflation en zone Euro. Nous pensons également que la croissance demeure dépendante de l’environnement de taux et qu’elle sera légèrement plus faible que les prévisions de la BCE cette année.

Au total, nous anticipons trois baisses de taux supplémentaires en 2024. La prudence affichée par la BCE devrait se traduire par un maintien des taux aux niveaux actuels lors de sa réunion du 18 juillet prochain, puis par une reprise du mouvement de baisses à partir du 12 septembre et jusqu’à la fin de l’année. Pour ce faire, la BCE devra s’affranchir du comportement de la Fed, au risque de compromettre la reprise économique en zone Euro et de manquer sa cible d’inflation…

Sources

Ecofi, au 7 juin 2024
Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Document non contractuel. Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 10 juin 2024 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Ce document est produit à titre purement indicatif. Il constitue une présentation conçue et réalisée par Ecofi à partir de sources qu’elle estime fiables. Ecofi se réserve la possibilité de modifier les informations présentées dans ce document à tout moment et sans préavis. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation d’investissement personnalisée.

Florent WABONT

Économiste

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