
Publié le 09/07/2025
Dans la veine des traditionnels cahiers de vacances, en voici un au contenu inhabituel. Nous avons, en effet, décidé de dresser une liste de quelques sujets chauds à réviser cet été, afin de bien préparer la rentrée.
Cette question est l’une des plus importantes actuellement, puisqu’elle conditionne bon nombre de celles qui vont suivre. L’augmentation du taux moyen des droits de douane promulguée par Donald Trump est exceptionnelle par son ampleur – de 2,4% fin décembre 2024 à ~15% selon les annonces faites jusqu’à présent. La hausse des tarifs douaniers a pour effet de renchérir la facture des produits importés et doit théoriquement se traduire par une augmentation de l’inflation si les entreprises modifient leurs prix de vente en conséquence. Or, l’évolution récente des indices de prix ne laisse que partiellement transparaître cet état de fait. Nous avions récemment écrit ici (« Mais où est donc passée l’inflation ? ») à ce sujet en concluant que nous nous attendions à une hausse graduelle de l’inflation, couplée à une baisse des marges pour les entreprises, à mesure de la déplétion des stocks constitués en amont et de l’actualisation des politiques de fixation des prix.
Les chiffres d’inflation publiés le 15 juillet dernier ont plutôt confirmé notre thèse. L’inflation totale est ainsi passée de 2,4% sur un an en mai à 2,7% en juin ; l’inflation cœur (hors énergie et alimentation) de 2,8% à 2,9%. Certes, la variation mensuelle de l’inflation cœur est ressortie en dessous des attentes du consensus pour la 5ème fois consécutive, mais, comme souvent, le diable se cache dans les détails. De plus en plus de sous-catégories de biens assujettis à ces nouveaux droits de douane voient leurs prix augmenter, y compris certaines qui avaient jusqu’ici montré une relative inertie. Les sous-catégories des voitures neuves et d’occasion ont, quant à elles, contribué négativement à l’inflation, mais ce phénomène ne devrait pas se prolonger. Notons également que la baisse de l’inflation dans les services a partiellement compensé la hausse de la catégorie des biens hors automobiles, qui enregistre sa plus forte hausse mensuelle depuis novembre 2021. En complément, il convient de noter un fait assez peu commenté : la baisse de la qualité des données servant à construire les indices de prix. Faute de pouvoir obtenir un recensement fiable à cause d’un manque de personnel et d’une baisse des budgets, le BLS (l’établissement chargé de calculer l’inflation CPI) remplace les prix d’un nombre croissant d’items par ceux d’autres présentant le plus de similarité. Cette situation est d’autant plus problématique qu’elle intervient au moment où l’incertitude concernant le passage de l’augmentation des droits de douane dans l’inflation est très élevée.
Plusieurs rendez-vous estivaux permettront de déterminer qui va in fine payer la facture des droits de douane : le 31 juillet pour l’inflation PCE du mois de juin (l’indice de prix qui constitue la cible de la Fed), le 12 août pour le CPI de juillet et le 29 août pour le PCE. Il conviendra également de surveiller ce que les entreprises, qui semblent adopter une stratégie visant à maximiser le délai qui les sépare des hausses de prix pour les consommateurs, ont à nous dire. Le niveau des pressions inflationnistes ressenties, des stocks et des marges bénéficiaires, seront à surveiller de près. Le comportement du consommateur sera aussi scruté, ce qui nous amène au second point.
La politique économique de Donald Trump est erratique, donne le tournis et a engendré un climat d’incertitude constant. Après avoir fortement diminué, la confiance des consommateurs a légèrement rebondi, dans le sillage du moratoire de 90 jours sur les droits de douane et des revirements multiples du président américain. Serait-ce ainsi le moment de revoir son scénario et d’anticiper des dégâts plus mesurés pour l’économie américaine ? Non. Qu’on ne s’y trompe pas, nous ne sommes pas dans le camp de ceux qui anticipent une récession aux États-Unis et nous sommes restés constants sur la question depuis le moment où les premières craintes ont émergé. Nous pensons en revanche que le ralentissement de l’économie américaine est devant nous, pour deux raisons principales. Nous en avons discuté, l’inflation des biens concernés par les mesures tarifaires commence à grimper. L’effet négatif sur le pouvoir d’achat des ménages a donc simplement été décalé. Bien que les enquêtes sur la confiance des entreprises envoient des signaux mitigés, la plupart d’entre elles semblent indiquer une baisse des marges bénéficiaires, une temporisation des investissements et une modération des intentions d’embauches.
Les données d’activité issues de la comptabilité nationale nous parviennent avec délai. La publication de certaines statistiques permet néanmoins d’évaluer l’état de santé de l’économie américaine sur une fréquence plus élevée. C’est notamment le cas des ventes au détail qui renseignent sur la consommation des ménages en biens et très partiellement en services. Si la croissance de 0,6% des ventes au détail (toute composante confondue) en juin peut être considérée comme relativement robuste, elle relève, selon nous, davantage d’un effet prix que d’un effet volume. Autrement dit, les biens (équipement de la maison, produits électroniques…) coûtent plus cher et la quantité consommée par les ménages diminue. L’unique catégorie relative à la consommation de services au sein de cette publication (bars et restauration à l’extérieur) a également ralenti ces derniers mois. Pour tenter d’y voir plus clair, il s’agira d’attendre la parution de l’indice PCE pour le mois de juin, qui sera accompagnée de l’évolution de la consommation des ménages ajustés de l’inflation dans les biens et les services, telle que mesurée dans le PIB. Il faudra ensuite patienter jusqu’à fin août afin d’esquisser la première tendance pour le troisième trimestre. Si nous considérons toujours que la hausse de l’inflation du fait des droits de douane ne sera que temporaire, la détérioration des métriques de l’emploi que nous observons est une menace bien plus sérieuse pour l’économie américaine, et par extension pour la Fed.
Sur ce sujet, nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons récemment écrit ici (« Fed et politique, les liaisons dangereuses ») concernant l’indépendance mise à mal de la Banque centrale américaine et nos prévisions en matière de taux directeurs. Les données publiées récemment n’ont pas modifié notre scénario, voire l’ont légèrement conforté. Nous continuons de penser que le marché de l’emploi américain se situe en zone de fragilité, ne serait-ce qu’en raison du climat d’incertitude ambiant. Mais c’est surtout le manque de fluidité qui nous interpelle le plus. A cet égard, citons par exemple l’évolution des inscriptions hebdomadaires au chômage. Chaque semaine, entre 220 et 230 000 nouvelles personnes prétendent aux allocations chômage, soit un niveau proche des moyennes historiques. Toutefois, les bénéficiaires de ces allocations qui l’étaient la semaine précédente et qui le sont encore la suivante, augmentent de plus en plus et dans des proportions qui s’éloignent des trajectoires habituelles.
Il y a peu de raisons de penser que la Fed agisse le 30 juillet prochain et ce, malgré la pression politique très forte qui s’exerce. Les portes sont toutefois ouvertes pour envisager une baisse des taux directeurs de 0,25% lors de la réunion du 17 septembre prochain, dans l’optique d’empêcher une rupture plus prononcée des données de l’emploi. En parallèle, les plus assidus suivront à partir du 21 août le Symposium de Jackson Hole – grand-messe des banquiers centraux et (ne les oublions pas !) des chercheurs universitaires en la matière – intitulé cette année « Labor Markets in Transition: Demographics, Productivity, and Macroeconomic Policy ».
Sur ce sujet, le consensus des prévisionnistes peut grossièrement se diviser en deux. Les partisans d’un maintien des taux directeurs aux niveaux actuels et ceux prônant la nécessité de baisser les taux plus franchement. Nous nous situons plutôt dans le premier camp. Notons à cet égard que nos prévisions ont assez peu évolué depuis le début de l’année. Nous avions envisagé un arrêt à 2,25% sur le taux de facilité de dépôt, avant de réviser ce chiffre à 2% après le « Liberation Day ». L’incertitude étant particulièrement élevée, il nous apparaît néanmoins opportun d’évaluer des scénarios alternatifs.
S’il n’y vraisemblablement rien à attendre de la réunion de la BCE qui se tiendra le 24 juillet prochain, un statu quo le 11/09 n’est en revanche évidemment pas gravé dans le marbre. Trois ingrédients sont à notre sens nécessaires pour justifier une baisse de taux supplémentaire (i) une inflation passant durablement en-dessous de 2%. A ce stade, la lecture des données nous pousse plutôt à envisager une stabilité autour de 2%, en particulier s’agissant de l’inflation cœur ; (ii) une détérioration marquée de l’activité en zone Euro. Si la situation n’est pas au beau fixe, les données dépeignent cependant une forme de résilience, malgré le chahut imposé par les droits de douane. Notons à cet égard le rebond du sentiment des entreprises allemandes grâce aux annonces budgétaires du nouveau Chancelier ; (iii) des négociations commerciales qui tournent mal. Initialement prévus à 20%, les droits de douane réciproques sont récemment passés à 30%, avec une mise en application prévue le 1/08. L’UE et les États-Unis sont ainsi entrés en phase de négociation et si l’on se fie aux schémas habituels (Royaume-Uni et Chine), l’addition finale devrait être moins coûteuse que prévue avant la date butoir, mais rien n’est moins sûr. Donald Trump obligera-t-il indirectement la BCE à baisser ses taux ?
D’ici là, on surveillera notamment les premiers chiffres d’inflation pour le mois de juillet le 1/08 et ceux du mois d’août le 2/09. Tout comme les nombreuses enquêtes de confiance des entreprises publiées au fil de l’eau.
Pour simplifier les choses, l’évolution des taux longs est gouvernée par deux briques principales : les anticipations de taux courts et une prime de terme. Si la première est intimement liée aux perspectives en matière de politique monétaire, la seconde encapsule plusieurs éléments. La prime de terme représente le rendement supplémentaire exigé par les investisseurs en compensation du risque lié à la détention de dettes à long terme, comparativement à des horizons plus courts. Cette prime de terme dépend notamment de l’incertitude autour de l’évolution future de l’inflation, mais aussi de l’équilibre entre l’offre et la demande de titres obligataires sur le marché, elle-même dépendante d’autres facteurs encore.
Depuis la grande crise financière, les estimations statistiques convergent toutes vers la même conclusion : la prime de terme est devenue nulle voire négative aux États-Unis. L’explication principale est à chercher du côté de la banque centrale américaine qui, en s’étant portée massivement acheteuse de papiers obligataires dans le cadre de sa politique d’assouplissement quantitatif (QE), a largement contribué à la compression de la prime de terme.
Sources
Sources : Ecofi, Bloomberg. L'estimation de la prime de terme est calculée comme la combinaison des méthodologies issues des travaux de Adrian, Crump & Moench (2013) et Kim & Wright (2005). Dernières données mensuelles disponibles au 18/07/2025.
La situation est aujourd’hui toute autre. Les chocs d’offre sont devenus plus fréquents et l’environnement géopolitique – pour ne citer que lui – a drastiquement changé. L’évolution de l’inflation est désormais plus volatile. D’autre part, la Fed tente de réduire son bilan. Les investisseurs historiques sur la classe d’actifs ont retrouvé la capacité d’exiger le « vrai prix des choses », par le biais notamment d’une plus grande considération des problématiques budgétaires. La hausse récente des taux longs américains dans un contexte caractérisé par une dégradation de la notation des États-Unis et d’inquiétudes sur la trajectoire du déficit n’est donc pas anodine. Ainsi, même en cas de baisse des taux directeurs (la partie anticipation sur les taux courts), la reconstitution de la prime de terme à des niveaux « normaux » (il y a encore un peu de chemin) limite, selon nous, le potentiel de baisse des taux longs américains. Les conséquences sont triples, selon que l’on souhaite voir le verre à moitié plein ou à moitié vide : (i) le rendement embarqué sur la classe d’actifs est plus élevé, c’est indiscutable ; (ii) la capacité des obligations souveraines américaines à protéger les portefeuilles diversifiés en cas de forte baisse des marchés d’actions deviendrait a priori plus limitée qu’auparavant ; (iii) le niveau de valorisation des actions américaines face à ce nouveau paradigme interroge.
Les actions américaines ont rapidement retrouvé et dépassé leurs niveaux pré
« Liberation Day ». La valorisation élevée du marché américain interroge donc de nouveau les investisseurs. D’un côté, il semblerait que Donald Trump finisse par adoucir systématiquement ses propos les plus agressifs en matière de politique commerciale. Le terme TACO pour
« Trump Always Chickens Out » (Trump se dégonfle toujours) a même été inventé pour illustrer la situation. Après tout, si le pire des scénarios est constamment évité, à quoi bon vendre les actions américaines, en particulier lorsque les taux ne baissent pas, voire montent légèrement ? C’est en tout cas le raisonnement qui semble prévaloir pour les investisseurs particuliers, qui ne cessent d’acheter chaque creux de marché (phénomène « buy the dip »). D’après l’enquête menée par l’Association des investisseurs individuels américains, les opinions positives à l’égard du marché des actions américaines l’emportent désormais sur les opinions négatives, encore majoritaires il y a quelques semaines. De l’autre, il convient d’observer (au moins) trois éléments : (i) la valorisation actuelle des actions américaines se détache sensiblement de la relation de long terme qui la lie aux taux d’intérêt réels. Cette déviation est comparable à celle qui prévalait en juin 2021 (au pic avant la remontée des taux directeurs) et en août 2000 (avant l’éclatement de la bulle internet) ; (ii) la composition des indices est toujours aussi distordue, avec une concentration extrême sur quelques valeurs du secteur de la technologie, dont les valorisations sont élevées ; (iii) on ne sait encore rien de l’ampleur du ralentissement de l’économie américaine et de son incidence sur les résultats des entreprises cotées, que l’on devrait percevoir de manière plus franche lors des publications du troisième trimestre.
En dépit de ces éléments, il est bon de rappeler que les niveaux de valorisation (ratio cours/bénéfices…) sont de mauvais indicateurs des performances à court terme. Un marché considéré comme cher peut l’être encore pendant longtemps. Ils ont en revanche un pouvoir prédictif à long terme (de 7 à 20 ans) bien supérieur. Comme le dit si bien l’adage : « Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ». Encore faudrait-il pouvoir dater avec assurance la fin de cette ascension.
Dans ce contexte et comme depuis la fin de l’année dernière, nous continuons toutefois de penser que le moment milite toujours en faveur d’une diversification vers d’autres zones géographiques pour qui les valorisations sont moins tendues, notamment en Europe.
C’est un fait, les actions de la zone Euro ont eu un parcours boursier très favorable depuis le début de l’année, en particulier vis-à-vis des actions américaines. Cela est d’autant plus parlant dans un contexte où le dollar a perdu ~10% face à la plupart des devises internationales. Dans le prolongement, un autre segment de marché fait toutefois beaucoup parler de lui : les actions de petites capitalisations. Délaissées par les investisseurs ces dernières années, les petites entreprises ont souffert de la forte hausse des taux d’intérêt et d’un environnement économique morose. Depuis le début de l’année, la tendance semble toutefois s’inverser.
Sources
Sources : Ecofi, Bloomberg, MSCI. Performances totales dividendes réinvestis. Dernières données disponibles au 18/07/2025.
Les actions de petites capitalisations sont en général plus volatiles (donc plus risquées) que les grandes capitalisations. Elles sont aussi moins liquides, en raison notamment d’une moindre couverture par les analystes financiers. Elles recourent également plus volontiers à l’endettement, ce qui les rend plus sensibles à l’évolution des taux d’intérêt. En outre, elles sont plus réactives au cycle économique et leur chiffre d’affaires est davantage réalisé sur le sol domestique. Enfin, le marché des petites capitalisations de la zone Euro se traite habituellement avec une surcote par rapport aux grandes capitalisations (i.e. on paye plus cher la croissance bénéficiaire future potentielle de ces entreprises).
En sus de leur relative « immunité » vis-à-vis des droits de douane appliqués par les États-Unis, plusieurs éléments sont aujourd’hui réunis pour que la contreperformance des petites capitalisations s’estompe. Premièrement, car une importante décote de valorisation en comparaison des grandes capitalisations, bien loin des normes historiques, s’observe. Deuxièmement, en raison de la relative stabilité des taux d’intérêt européens. Troisièmement, du fait de l’inflexion du cycle économique qui pourrait survenir en zone Euro. Notons enfin le regain d’intérêt des investisseurs internationaux pour les actions du vieux continent, qui pourraient se diriger dans un second temps vers cette typologie d’actifs. Mentionnons toutefois quelques bémols, à l’instar du manque de dynamisme des introductions en bourse (qui permettent d’animer la cote) et la « compétition » avec les fonds de Private Equity. Comme souvent, et en particulier sur ce segment, il convient donc de se montrer sélectif, mais ça n’est pas le rôle d’un économiste de marché… !
Après une pause estivale, le « Marché du Lundi » sera de retour le 01/09/2025. En attendant, il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter un bel été.
Source : Ecofi, le 18 juillet 2025.
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