Publié le 13/01/2025
Soutenabilité de la dette : effet boomerang
Le « quoi qu’il en coûte » déployé par les principaux pays développés durant la pandémie, puis plus spécifiquement en Europe pour pallier les effets de la crise énergétique, s’est traduit par une augmentation significative du niveau d’endettement des États. Ces derniers mois, la hausse des taux souverains a toutefois fait resurgir la question de la soutenabilité de la dette publique.
Selon le FMI, la dette publique est dite soutenable si les mesures prises pour la stabiliser sont « réalistes » politiquement et économiquement. Autrement dit, si elles ne compromettent pas la croissance et/ ou ne nécessitent pas de restructuration. Le ratio dette/ PIB est utilisé afin de quantifier ce phénomène. Théoriquement, la variation de ce dernier dépend du rapport entre l’évolution des taux d’intérêt (r) et de celle du PIB nominal (g ; qui inclut l’inflation à la différence du PIB réel), auquel on ajoute le déficit ou l’excédent primaire (revenus – charges hors intérêts).
Dans le cas où (r-g) > 0, le niveau des taux d’intérêt est supérieur à celui du taux de croissance nominale. L’augmentation de l’endettement (du ratio dette/ PIB) doit être compensée par un excédent primaire, qui peut passer par une réduction du « train de vie » du gouvernement et/ ou une élévation de l’impôt, dans l’optique de ne pas menacer la soutenabilité de la dette par une explosion de celle-ci.
Dans le cas où (r-g) < 0, le niveau des taux d’intérêt est inférieur à celui du taux de croissance nominale. Le ratio dette/ PIB se stabilise voire diminue. Un déficit primaire peut alors se former, sans que cela ne vienne contrecarrer la soutenabilité de la dette..!
Avant la pandémie, les pays développés ont vécu une baisse tendancielle des taux d’intérêt et une stabilisation du couple croissance/ inflation sur de faibles niveaux. Au total, la relation (r-g) a ainsi fluctué autour de 0 ou en territoire négatif, tout particulièrement après 2010-2011, dans un contexte par ailleurs contraint par des politiques d’austérité en Europe.
La pandémie, puis la guerre en Ukraine ont ensuite rebattu les cartes. Pour venir en aide aux ménages et aux entreprises, les États ont fait « sauter le verrou » de la dépense publique. L’inflation et la reprise de l’activité les ont ensuite en partie aidé à dégonfler leur endettement. À titre d’exemple, en France, le ratio dette/ PIB est passé de 97 % fin 2019 à 115 % fin 2020, puis à 112 % au 2ème trimestre 2023.
Depuis quelques mois, la donne a de nouveau changé. Les taux d’intérêt de marché (r) ont augmenté et la croissance nominale (g) est en passe de se tasser. La relation (r-g) pourrait de facto tangenter 0, voire redevenir positive. Aux États-Unis, en Italie, en Allemagne… La situation fiscale et la composition des dépenses gouvernementales inquiètent les investisseurs qui exigent un surcroit de rendement en contrepartie.
Pour « rétablir » la situation, les États doivent donc – comme expliqué plus haut – redresser leur solde primaire, afin que la soutenabilité ne soit pas menacée. L’une des pistes envisageables est celle de la consolidation budgétaire, qui consiste à augmenter les taxes et/ ou limiter les dépenses. Si cette manoeuvre est opérée de manière brutale, elle se fera probablement au détriment de l’activité économique, comme l’a montré le FMI dans une récente publication. En considérant un monde où les banques centrales souhaitent maintenir leurs taux directeurs élevés pendant quelques temps, l’enjeu des États est donc de gagner en crédibilité vis-à-vis de leur volonté à se désendetter, au risque d’être « sanctionnés » par les marchés et les agences de notations. Les États-Unis ont à cet égard reçu une forme d’avertissement par Fitch l’été dernier. La hausse des taux souverains liée aux inquiétudes autour des finances publiques s’inscrit par ailleurs dans un « cercle vicieux », puisqu’elle entretient le risque de dérapage budgétaire, qui à son tour accroît la prime de risque demandée…
Dans l’intervalle, le soutien budgétaire sera vraisemblablement moins important en 2024 qu’au cours de ces trois dernières années. Plus structurellement en revanche, il n’est pas improbable que la question de la dette soit « réévaluée » au regard des défis qui attendent les États, parmi lesquels figurent leurs ambitions en matière de souveraineté et de transition écologique.
Sources
Ecofi, au 24 novembre 2023
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